27. Plus-values des meublés de tourisme et théorie des biens migrants

Les loueurs de meublés de tourisme qui cèdent les biens immobiliers peuvent être conduits à constater une plus-value imposable. Dans ce cas, il faut déterminer le régime des plus-values applicable, notamment si le propriétaire a successivement relevé, d’une part, du régime des plus-values immobilières, et d’autre part, du régime des plus-values professionnelles. Un arrêt du Conseil d’état du 31 mars 2023 apporte des éléments de réponse à cette situation particulière.

Certains loueurs de meublés de tourisme peuvent avoir été successivement loueur de meublé non-professionnel (LMNP), puis ensuite devenir loueur de meublé professionnel (LMP) (sur ces notions : V. art. 155 (IV-2) du CGI ; BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 400).

Cette double période peut aussi correspondre à l’hypothèse ou une personne a détenu un bien immobilier à titre privé sans exercer d’activité de location meublée pour ensuite réaliser l’activité de location sous le statut fiscal de loueur de meublé professionnel.

Rappelons pour mémoire que les LMNP relèvent du régime fiscal des plus-values immobilières alors que les LMP font application du régime des plus-values professionnelles (V. notre dossier sur ce sujet).

L’événement correspondant à un fait générateur de plus-value peut notamment résulter de la vente des biens, ou de l’apport des biens à une société civile immobilière (SCI). Dans ces situations, la question se pose de savoir quel est le régime fiscal des plus-values applicable alors que la détention antérieure du bien comprend deux périodes différentes comme mentionnées ci-dessus.

Selon les commentaires de l’administration : « En cas de cession d’immeuble par un contribuable ayant eu alternativement la qualité de loueur en meublé professionnel et de loueur en meublé non-professionnel, la plus-value afférente à cette cession est soumise au régime d’imposition applicable lors de la cession » (BOI-BIC-CHAMP-40-20, n° 460).

Les commentaires administratifs précisent ensuite : « Sauf dans l’hypothèse où le bien aurait figuré successivement dans le patrimoine privé puis dans le patrimoine professionnel du loueur en meublé, l’article 151 sexies du CGI n’est pas applicable en cas de cession d’un bien par une personne ayant eu successivement la qualité de loueur en meublé non professionnel et de loueur en meublé professionnel ».

L’article 151 sexies du CGI précise que la plus-value d’un bien immobilier inscrit au bilan d’une entreprise est calculée, si le bien cédé a figuré pendant une partie du temps écoulé depuis l’acquisition dans le patrimoine privé du contribuable, suivant les règles des plus-values immobilières pour la partie correspondant à cette période. Selon les praticiens, il est fait application à ce titre de la théorie des biens migrants dès lors que les biens concernés relèvent pour partie du régime des plus-values immobilières et pour partie du régime des plus-values professionnelles, en raison de la migration du patrimoine privé au patrimoine professionnel, alors même qu’il n’y a pas eu de mutation juridique (BOI-RFPI-PVI-10-20, n° 120s).

Par un arrêt du 31 mars 2023, le Conseil d’Etat vient justement préciser les règles applicables en matière de plus-values lorsqu’un bien immobilier loué en tant que meublés de tourisme a été détenu à titre privé pour ensuite être inscrit au bilan d’un loueur, en l’occurrence de gîtes ruraux (CE, 31/03/2023, n° 467175).

Le contentieux examiné par le Haut Conseil concernait plus précisément la détermination de la plus-value immobilière alors que le loueur cédant relevait du statut fiscal de LMP après avoir détenu le bien à titre privé.

Dans le cas particulier, la plus-value résultait de l’apport des biens immobiliers à une SCI mise en place par le loueur qui a poursuivi l’activité de location de meublés à titre individuel ; les biens étant loués à la SCI devenue propriétaire.

Afin de mieux comprendre le contexte, il convient de préciser que le contribuable avait acquis un ensemble immobilier. Une partie avait été aménagée en gites ruraux et inscrite au bilan de l’entreprise individuelle du loueur de meublés professionnel. Cette partie avait été cédée à une SCI occasionnant à ce titre une plus-value.

L’intéressé, ayant la qualité de LMP lors de la mutation juridique, avait considéré relever du régime des plus-values professionnelles pour l’ensemble de la plus-value réalisée depuis l’acquisition initiale du bien immobilier. Dans le cas particulier, la totalité de la plus-value qualifiée comme professionnelle avait été intégralement exonérée en vertu de l‘article 151 septies du CGI.

À l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration a considéré au contraire qu’il fallait constater une partie de la plus-value en tant que plus-value immobilière avant que les biens ne soient inscrits au bilan de l’entreprise individuelle du loueur de meublé professionnel, faisant application en cela de la théorie des biens migrants prévues par l’article 151 sexies du CGI évoqué ci-dessus.

En principe, la détermination d’une plus-value immobilière correspond à la différence entre le prix de cession du bien et le prix d’acquisition. Ce dernier élément est majoré des frais d’acquisition et des travaux réalisés, soit tenant compte des sommes réelles engagées, soit par l’application d’un forfait. De plus, la base imposable de cette plus-value immobilière tient compte d’un abattement pour durée de détention au-delà de 5 ans.

Sur ce point, le code général des impôts formule précisément « Dans le cas particulier où le bien cédé a fait partie du patrimoine privé du cédant avant d’être inscrit à l’actif d’une entreprise, la plus-value imposable au titre des plus-values immobilières est déterminée par différence entre la valeur d’inscription à l’actif au jour de cette inscription et le prix d’acquisition du bien » (art. 74 SG de l’Annexe II au CGI).

Pour déterminer la plus-value de la première période correspondant à une plus-value immobilière, l’administration fiscale avait pris en compte la seule valeur du terrain supportant les biens loués meublés et cédés au prorata de l’acquisition initiale de l’ensemble immobilier. Cette méthode d’évaluation avait été confirmée par la cour administrative d’appel.

Après un pourvoi en cassation, le Conseil d’État confirme qu’il convient effectivement de déterminer une plus-value immobilière, pour la première période avant l’inscription des biens immobiliers au bilan.

Toutefois, il considère qu’il faut revoir le prix d’acquisition des biens en question. Selon le Haut Conseil, cette valeur ne peut se limiter seulement au prorata de la valeur du terrain qui avait été apporté à la SCI. Il convient également de tenir compte de la valeur d’acquisition des bâtiments situés sur le terrain.

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