Un certain nombre de propriétaires loueurs de meublés de tourisme se voit mis en demeure par les services fiscaux d’acquitter à la fois la taxe d’habitation et la cotisation foncière des entreprises pour la location de mêmes biens. Cette solution résulte d’une interprétation des textes en vigueur et est fondée sur plusieurs arrêts du Conseil d’Etat. Elle remet en cause l’application antérieure et équilibrée qui conduisait au paiement alternatif de la taxe d’habitation ou de la cotisation foncière des entreprises.
1. L’interprétation des services fiscaux
Pour fonder leur position, les services fiscaux estiment que lorsque la gestion des locations touristiques est assurée par les propriétaires eux-mêmes, les logements en question sont accessibles en dehors des périodes de locations par les propriétaires pour leur propre usage personnel. Dans ces conditions, selon l’administration fiscale, ces logements doivent être soumis au paiement de la taxe d’habitation, quand bien même les logements loués donnent lieu par ailleurs au paiement de la cotisation foncière des entreprises.
Pour ce faire, les services fiscaux font référence aux articles 1407 et 1408 du code général des impôts (CGI) qui fixent la liste des logements soumis à la taxe d’habitation. Rappelons que désormais la taxe d’habitation vise les résidences secondaires à l’exclusion des biens affectés à l’habitation principale (art. 1407 et s. du CGI). Il est à noter que l’article précité mentionne que ne sont pas imposables à la taxe d’habitation notamment les locaux passibles de la cotisation foncière des entreprises lorsqu’ils ne font pas partie de l’habitation personnelle des contribuables.
Plus précisément, l’argumentaire des services fiscaux est le suivant : « Sur le principe de l’imposition à la taxe d’habitation des locaux meublés, les contribuables propriétaires qui donnent des logements en location saisonnière pendant toute l’année, sont soumis à la cotisation foncière des entreprises ; tel est le cas du propriétaire d’une habitation meublée qui l’a offerte à la location saisonnière toute l’année, par l’intermédiaire d’une agence de location à laquelle il a donné un mandat ne lui réservant aucune possibilité de séjour. Ils doivent s’acquitter également de la taxe d’habitation dès lors qu’ils gardent la disposition de ces logements en dehors des périodes de location ».
2. La remise en cause de l’application alternative de la taxe d’habitation ou de la cotisation foncière des entreprises
Il faut rappeler qu’avant ces contentieux, les logements loués en tant que meublés de tourisme donnaient lieu en principe au paiement de l’un des deux impôts précités, à savoir soit la taxe d’habitation, soit la cotisation foncière des entreprises.
A ce titre, l’article 1459 du CGI précise que sont notamment exonérées de la cotisation foncière des entreprises et soumises au paiement de la taxe d’habitation :
– les personnes qui louent en meublé des locaux classés dans les conditions prévues à l’article L. 324-1 du code de tourisme, lorsque ces locaux sont compris dans leur habitation personnelle ;
– les personnes qui louent ou sous-louent en meublé tout ou partie de leur habitation personnelle.
Selon le Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) qui commente l’article 1459 du CGI, les locaux sont soumis en principe à la seule taxe d’habitation dans la mesure où il s’agit de l’habitation personnelle du loueur. L’habitation personnelle s’entend de tout local occupé par le contribuable ou dont celui-ci se réserve l’usage comme habitation principale ou secondaire (BOI-IF-TH-10-20-20).
En complément, le même BOFIP est explicite en précisant en ces termes : « lorsqu’ils ne constituent pas l’habitation personnelle du loueur, les meublés de tourisme ne sont pas imposables à la taxe d’habitation, mais ils sont alors en tout état de cause assujettis à la cotisation foncière des entreprises puisque l’exonération de l’article 1459 du CGI ne leur est pas applicable » (BOI-IF-TH-10-20-20, § 50).
Il est utile de rappeler que la jurisprudence a remis en cause la position de l’administration fiscale qui soutenait pouvoir appliquer à la fois la taxe professionnelle et la taxe d’habitation à un loueur de meublés (la solution est à notre avis identique avec la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui a remplacé la taxe professionnelle).
En l’espèce, le loueur contestait le paiement de la taxe d’habitation réclamée par l’administration fiscale alors que le logement n’était affecté qu’à la location meublée et que l’intéressé acquittait à ce titre la taxe professionnelle (désormais la CFE). Dans cette affaire, les juges ont donné raison au loueur puisque le propriétaire concerné a obtenu gain de cause par l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui soutenait que l’intéressé devait acquitter la taxe d’habitation alors que le logement n’avait pas d’autre affectation que celle de meublé de tourisme (CAA Lyon 12/06/2003, n° 98LY02062).
3. Les fondements jurisprudentiels de la position administrative
Pour contrer cette application antérieure des textes précités, l’administration fait référence à l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 février 2016 (n° 389438) qui précise que lorsqu’un logement meublé fait l’objet de locations saisonnières, le propriétaire du bien est redevable de la taxe d’habitation dès lors qu’au 1er janvier de l’année de l’imposition, il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année.
Cette position semble faire abstraction que le propriétaire n’occupe jamais à titre personnel le logement en question et que le logement est offert à la location en tant que meublé de tourisme toute l’année.
Pour considérer que le bien n’est pas susceptible d’être occupé à titre personnel, il faudrait selon les services fiscaux, que le bien soit confié de façon exclusive à un tiers, telle une agence immobilière ou un service de réservation. Pourtant, il est à noter qu’aucun texte législatif ou règlementaire n’exige que la gestion des locations soit confiée à un tiers.
L’administration fait également mention de l’arrêt du Conseil d’Etat du 2 juillet 2014 (n° 369073) qui a conduit à ce que le contribuable concerné soit redevable à la fois de la taxe d’habitation et de la cotisation foncière des entreprises. Un examen plus approfondi des circonstances de cette affaire conduit à constater que le propriétaire des locaux meublés s’entendait s’en réserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année en les occupant personnellement ou en les faisant occuper gracieusement une partie de l’année.
Là encore, les services administratifs ne tiennent pas compte des situations pour lesquelles le propriétaire n’occupe jamais le logement à titre personnel et qu’aucun membre de ma famille ne l’occupe à titre gracieux une partie de l’année.
En toute hypothèse, si la preuve est apportée que les logements meublés sont occupés à titre personnel, il nous semble que les propriétaires ne devraient acquitter que la seule taxe d’habitation et être exonérés de la cotisation foncière des entreprises conformément à l’article 1459 du CGI et au BOFIP mentionnés ci-dessus.
Sur le fond, les arrêts du Conseil d’Etat sont pour le moins ambigus et peuvent en effet laisser penser que l’interprétation du Haut Conseil constitue un fondement sérieux des services fiscaux.
Si tel doit être le cas, l’application antérieure qui conduisait à l’application alternative de la taxe d’habitation et de la cotisation foncière des entreprises serait ainsi remise en cause pour conduire au paiement cumulé des deux impôts précités, s’agissant des propriétaires que ne délèguent pas la gestion exclusive des locations touristiques à un tiers.