1. Remise en cause de la TVA des meublés de tourisme

L’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023 remet en cause les modalités d’application de la TVA aux locations de meublés de tourisme. Le législateur va certainement redéfinir les modalités d’application de cet impôt pour les activités de meublés de tourisme.

Jusqu’en juillet 2023, on pouvait penser que les modalités d’application de la TVA aux locations de meublés de tourisme étaient stabilisées en reposant sur le principe de l’exonération et l’exception de l’assujettissement sous réserve de remplir des conditions draconiennes de prestations parahôtelières formulées par la législation fiscale (art.261 D (4° b) du CGI).

Pour mémoire, selon le dispositif formulé par le code général des impôts, le principe de l’exonération de TVA n’est pas applicable aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Cette solution est explicitée par les commentaires de l’administration fiscale consultables ci-après : BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20.

Le Conseil d’Etat avait confirmé la validité de ces dispositions par un arrêt en date du 20 novembre 2017 (CE, 20/11/2017, n° 392740). Cette jurisprudence a été retenue à plusieurs reprises tant par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, notamment pour remettre en cause la déduction de la TVA opérée par différents loueurs qui avaient opté pour l’application de cet impôt sans remplir les conditions parahôtelières exigées.

Soudainement, par un avis du même Conseil d’Etat en date du 5 juillet 2023, ce dernier semble remettre en cause les règles applicables jusqu’à ce jour (Avis CE 5/07/2023, n° 471877).

Selon l’avis du Haut Conseil, le cumul de trois des quatre prestations mentionnées ci-dessus n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. Par suite, le b (de l’article 260 D du CGI) est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la TVA des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers.

En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de TVA qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Selon la même instance, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

En bref, l’exigence de prestations parahôtelières précisée par la loi française ne serait pas conforme à la législation communautaire formulée par l’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. Par conséquent, l’Etat français doit revoir les règles applicables en la matière en permettant l’application de la TVA sur la base de règles moins restrictives que les prestations parahôtelières exigées jusqu’à ce jour. Selon certains commentateurs, la réalisation de deux prestations sur quatre pourrait suffire pour que les loueurs puissent être redevables de la TVA.

De façon surprenante, le Conseil d’Etat renvoie à l’administration le soin d’apprécier au cas par cas si chaque loueur relève du régime de l’exonération ou de celui de l’assujettissement à la TVA. Le risque d’une telle solution est de devoir faire face à une diversité d’interprétations selon les services. De plus, il est pour le moins surprenant de remettre en cause la formulation de la loi pour remplacer celle-ci par une interprétation administrative aux contenus aléatoires et reposant sur une légitimité relative.

De notre point de vue, il appartient au législateur de redéfinir les règles applicables en la matière. Il est permis de penser que la loi de finances pour 2024 conduira le Gouvernement à formuler une nouvelle formulation des règles applicables dans ce domaine.

Pour compléter l’information sur la toile :

https://kpmg.com/av/fr/avocats/eclairages/2023/07/evolution-majeure-du-regime-tva-de-la-parahotellerie.html

https://www.lexbase.fr/article-juridique/97986772-breves-avis-du-conseil-detat-relatif-a-la-tva-et-la-parahotellerie

https://www.hedeos-avocats.fr/tva-et-parahotellerie-un-regime-incompatible-avec-la-directive-tva/

https://taximmo.fr/tva-parahotellerie-3-services-sur-4-conclusions-du-rapporteur-public-same-player-shoot-again-un-nouveau-regime-en-vue/

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