87. Réforme des plus-values immobilières des LMNP par la loi de finances pour 2025

L’article 84 de la loi de finances pour 2025 a procédé à une réforme du traitement fiscal des plus-values immobilières réalisées par les loueurs de meublés non professionnels qui a pour effet de majorer ces plus-values et par là-même le montant des prélèvements fiscaux et sociaux dus à ce titre (modification de l’art. 150 VB du CGI). De façon sommaire, une plus-value immobilière correspond à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition. Selon la réforme de la loi de finances pour 2025, le prix d’acquisition doit désormais être minoré du montant des amortissements admis en déduction du résultat imposable au titre de l’impôt sur le revenu. Le nouveau dispositif a pour effet d’accroître la base fiscale de la plus-value immobilière et ainsi le montant des prélèvements fiscaux et sociaux applicables sur cette plus-value imposable.

D’une façon générale, cette réforme vise les loueurs de meublés (notamment de tourisme) afin de restreindre le marché des locations meublées et pour favoriser les locations nues de longue durée. Cette modification fiscale s’inscrit dans le cadre de la politique des pouvoirs publics ayant pour objectif de restreindre le développement des locations de meublés de tourisme.

Rappelons que le législateur a adopté fin 2024 une loi en date du 19 novembre 2024 qui comprend une série de mesures restrictives afin de réguler les locations de meublés de tourisme (loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale)

(Voir notre note sur le sujet).

Cette réforme des plus-values s’applique aux cessions réalisées à compter du lendemain de la promulgation de la loi de finances, soit à partir du 15 février 2025.

L’analyse de cette réforme suppose d’examiner successivement :

– les personnes concernées par la réforme des plus-values immobilières (1) ;

– les faits générateurs de taxation des plus-values immobilières (2) ;

– les modalités de prise en compte des amortissements pour le calcul des plus-values (3) ;

– les principes généraux concernant les modalités de taxation des plus-values immobilières (4).

1. Les personnes concernées par la réforme des plus-values immobilières

D’une façon générale, les articles 150 U à 150 VH du CGI qui déterminent le régime fiscal des plus-values immobilières sont applicables aux plus-values réalisées lors de la cession de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés et faisant l’objet d’une location directe ou indirecte lorsque cette activité n’est pas exercée à titre professionnel, conformément à l’article 151 septies (VII) du CGI.

Afin de cerner les personnes visées par la réforme, il convient de préciser :

– les loueurs concernés en distinguant les loueurs de meublés et les loueurs de logements nus (a) ;

– la distinction entre les loueurs de meublés professionnels et les loueurs de meublés non professionnels (b) ;

– les loueurs faisant application du régime fiscal du réel BIC et les loueurs relevant du micro-BIC (c).

Au préalable, il est utile de préciser que cette réforme ne concerne que les personnes qui relèvent du régime de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, les loueurs de meublés qui font application du régime de l’impôt sur les sociétés, telles notamment les SCI réalisant des locations meublées, ne sont pas concernées par cette modification du calcul des plus-values ; sachant que pour ces dernières les amortissements sont pris en compte pour le calcul des plus-values.

a. Les loueurs visés : distinction entre loueurs de meublés et loueurs de logements nus

Formellement, la présente réforme ne mentionne pas expressément les loueurs de meublés. Cela étant, la prise en compte des amortissements aux fins d’accroître la plus-value immobilière ne peut concerner que les personnes qui perçoivent des recettes relevant de la catégorie fiscale des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). A ce titre, seuls les loueurs de logements meublés perçoivent des recettes commerciales et procèdent à la déduction d’amortissements.

Les loueurs de logements nus sont également dans le champ d’application des plus-values immobilières mais perçoivent des recettes relevant de la catégorie des revenus fonciers. Les modalités de détermination du résultat fiscal des revenus fonciers ne comprennent pas la déduction d’amortissements dans le cadre du régime de l’impôt sur le revenu.

La loi ne vise pas spécifiquement les loueurs de meublés de tourisme pour concerner l’ensemble des loueurs de logements de meublés, qu’il s’agisse de loueurs de meublés de tourisme classés ou non classés ou de loueurs de meublés hors tourisme.

Il est à noter l’exclusion de la réforme notamment des biens destinés à l’accueil exclusif des étudiants, des personnes de moins de 30 ans en formation ou en stage, des personnes titulaires d’un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage ou des personnes âgées de plus de 65 ans.

b. La distinction entre les loueurs de meublés professionnels et les loueurs de meublés non professionnels

La présente réforme concerne les loueurs de meublés qui sont dans le champ d’application des plus-values immobilières. A ce titre, il s’agit plus précisément des loueurs de meublés non professionnels (LMNP). A contrario, les loueurs de meublés professionnels (LMP) ne sont pas visés par cette réforme du fait que ces personnes relèvent du régime des plus-values professionnelles. Selon cet autre dispositif, les modalités de détermination des plus-values prennent déjà en compte les amortissements.

Rappelons pour mémoire que les LMP non visés par la présente réforme sont les loueurs qui remplissent les deux critères suivants :

– les recettes annuelles retirées de l’activité de location meublée par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;

– ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l’article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62.

(art. 155 (IV) du CGI)

A défaut de remplir les deux critères précités, les loueurs de meublés (de tourisme ou hors tourisme) relèvent la catégorie des loueurs de meublés non professionnels (LMNP) pour être visés par la réforme de la loi de finances pour 2025.

c. Les loueurs faisant application du régime fiscal du réel BIC et les loueurs relevant du micro-BIC

Une première approche pourrait conduire à considérer que seuls les loueurs de meublés faisant application d’un régime réel des bénéfices commerciaux sont concernés par la réforme puisque formellement seule la mise en œuvre de ce régime d’imposition conduit à la constatation et la déduction comptables d’amortissements.

Autrement dit, il serait permis de considérer que les personnes qui font application du régime du micro-BIC ne sont pas visés par la présente modification en l’absence de la tenue d’une véritable comptabilité et de la déduction formelle d’amortissements selon ce régime simplifié d’imposition des bénéfices commerciaux.

Toutefois, il faut noter que l’article 50-0 du CGI, qui détermine le régime du micro-BIC, précise que les abattements dudit régime sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire.

Cette formulation conduit certains commentateurs à considérer que la réforme fiscale des plus-values concerne non seulement les LMNP au réel BIC mais aussi que ceux au micro-BIC. Si cette solution est confirmée, il conviendra lors de la cession de reconstituer les amortissements selon le mode linéaire pour la période d’application du micro-BIC.

Les commentaires de l’administration fiscale sont attendus avec intérêt sur ce point.

2. Les faits générateurs de taxation des plus-values immobilières

Il est utile de rappeler les événements qui conduisent à la constatation et à la taxation des plus-values immobilières. Sur ce point, la loi de finances pour 2025 n’apporte pas de modification. D’une façon générale, les plus-values immobilières sont taxables en cas de cession à titre onéreux des biens immobiliers concernés.

A contrario, les mutations à titre gratuit, qu’il s’agisse de donation ou de succession, sont exclues de la taxation au titre des plus-values immobilières.

Par cession à titre onéreux, il convient de comprendre essentiellement les ventes ainsi que les apports en société.

Il est à noter que la cessation d’activité avec la conservation des biens par le loueur n’est pas un fait générateur de plus-value immobilière contrairement à la situation des loueurs de meublés professionnels.

3. Les modalités de prise en compte des amortissements pour le calcul des plus-values

Si l’obligation de la prise en compte des amortissements pour le calcul des plus-values immobilières est simple dans son principe, les modalités d’application sont plus complexes.

À ce titre, il convient d’examiner :

– le calcul des plus-values tenant compte des amortissements (a) ;

– la prise en compte de la limitation fiscale des amortissements comptables (b) ;

– la non-prise en compte de l’amortissement de certaines dépenses (c) ;

– la situation des biens immobiliers successivement loués nus et meublés (d).

a. Le calcul des plus-values tenant compte des amortissements

Selon la loi de finances pour 2025, le prix d’acquisition doit désormais être minoré du montant des amortissements admis en déduction. Autrement dit, la plus ou moins-value est majorée de la somme des amortissements déduits.

Un exemple chiffré permet de mesurer la portée de cette réforme.

Soit un bien acquis 200 000 € duquel ont été déduits 100 000 € d’amortissements au cours des années de location et revendu 300 000 € :

– avant la réforme, les amortissements étaient déduits des revenus tirés de la location lorsque celle-ci est réalisée à titre non professionnel mais n’étaient pas réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession.

Le contribuable était imposé sur 300 000 – 200 000 € = 100 000 €

selon la réforme, les amortissements seront toujours déduits des revenus tirés de la location.

Toutefois, ces amortissements seront réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession en minorant le prix d’acquisition.

Le contribuable sera imposé sur 300 000 – (200 000 – 100 000) = 200 000 €

b. La prise en compte de la limitation fiscale des amortissements comptables

Les amortissements retenus pour majorer la plus-value fiscale sont ceux admis en déduction sur le plan fiscal. En effet, la législation fiscale formule le principe de la limitation fiscale des amortissements passés en comptabilité. Sur ce point, les amortissements retenus en comptabilité ne peuvent être déduits sur le plan fiscal que dans la mesure où ces charges comptables ne génèrent pas de déficits en application de l’article 39 C du CGI (BOI-BIC-AMT-20-40-10-20).

En cas de location d’un bien par une personne physique, le montant de l’amortissement de ces biens est admis en déduction du résultat imposable, au titre d’un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis, diminué du montant des autres charges afférentes à ces biens ou parts. Le montant total des amortissements afférents à un bien excédant la différence entre les loyers et les charges afférentes à ce bien ne peut pas être déduit du résultat imposable au titre de l’exercice.

L’objectif de cette disposition est d’interdire la possibilité de constater un déficit fiscal provenant d’amortissements.  L’amortissement régulièrement comptabilisé au titre d’un exercice et non déductible du résultat de cet exercice en application du présent mécanisme peut être déduit du résultat des exercices suivants.

Cette mesure quelque peu complexe est relativement courante en présence de biens immobiliers ayant une valeur importante avec des amortissements conséquents susceptibles de générer un déficit comptable.

Comme précité, la part des amortissements constatés sur le plan comptable et non déduits sur le plan fiscal ne doit pas minorer la valeur d’acquisition pour majorer la plus-value fiscale. Cela étant, il conviendrait de préciser le sort de la part de cet amortissement dont la déduction a été différée en application des limites de déduction et qui n’a pu encore être imputé à la date de la cession qui génère la plus-value immobilière.

c. La non-prise en compte de l’amortissement de certaines dépenses

Il est à noter que les amortissements constitutifs de dépenses prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu ne sont pas à retenir pour la détermination des amortissements qui minorent le prix d’acquisition.

Il s’agit plus précisément, des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu’elles n’ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives.

La non-prise en compte des amortissements des dépenses ci-dessus s’explique du fait que ces dépenses ont été prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu au cours de la location et qu’elles ne peuvent pas venir en majoration du prix d’acquisition.

Dans ces conditions, les amortissements des dépenses précitées ne sont pas à prendre pour le calcul de la plus-value immobilière.

c. La situation des biens immobiliers successivement loués nus et loués meublés

Il est relativement courant qu’un même bien immobilier soit loué non meublé pendant une certaine période, puis loué meublé pendant une autre période. Même si le texte n’apporte aucune précision sur ce point, il est permis de penser qu’il faut prendre en compte les amortissements pour la seule période de location meublée.

Dans l’hypothèse où un même bien a été antérieurement loué meublé puis fait l’objet d’une mutation à titre onéreux alors qu’il est loué nu, il est permis de considérer que les amortissements constatés pendant la période de location meublée doivent être retenus. Il ne semble pas que l’on puisse effacer la période antérieure de location meublée et ne pas prendre en compte les amortissements correspondants au motif que le bien n’est plus loué meublé lors de la cession.

Il est vrai que dans ces circonstances, les modalités de calcul des plus-values immobilières risquent d’être pour le moins complexes.

4. Les principes généraux concernant les modalités de taxation des plus-values immobilières

D’une façon générale, les modalités de calcul et de recouvrement des prélèvements fiscaux et sociaux des plus-values immobilières demeurent dans leur principe.

Sur ce point, la solution est que la plus-value immobilière est soumise au paiement de l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 19 % auquel s’ajoutent les contributions sociales au taux global de                     17, 2 %, soit un montant total de prélèvements fiscaux et sociaux de 36,2 % du montant de la plus-value imposable.

Les modalités de majoration du prix d’acquisition du fait des frais d’acquisition (soit un forfait de 7,5 % ou les frais réel) ou en raison des travaux (soit un forfait de 15 % ou la déduction des frais réels) ne sont pas remis en cause. Toutefois, la question se pose de savoir si les forfaits précités sont calculés à partir du prix d’acquisition avant ou après la prise en compte des amortissements.

Par ailleurs, la base d’imposition des plus-values immobilières fait l’objet d’un d’abattement pour durée de détention au-delà de la 5ème année.

Pour le calcul de l’IR au taux de 19 %, un abattement pour durée de détention est applicable sur la plus-value, soit :

– 6 % pour chaque année de détention au-delà de la 5ème et jusqu’à la 21ème année,

– 4 % pour la 22ème et dernière année.

L’exonération totale de l’impôt sur le revenu est acquise si l’immeuble est détenu depuis plus de 22 ans.

Pour le calcul de la CSG-CRDS au taux de 17,2 % l’abattement est le suivant :

– 1,65 % entre 5 et 21 ans,

– 1,60 % pour la 22ème année,

– 9 % entre 22 et 30 ans.

L’exonération totale des prélèvements sociaux est acquise au bout de 30 ans.

Les modalités de calcul des plus-values imposables et le recouvrement des prélèvements correspondants relèvent de la compétence des notaires lors de l’établissement de l’acte authentique qui constate le transfert de propriété des biens immobiliers à l’origine de la plus-value imposable.

 

Laisser un commentaire