La location des meublés de tourisme est soumise à une fiscalité complexe et à une instabilité constante. Les projets et décisions adoptées ces derniers mois illustrent ce phénomène pour l’ensemble des domaines (imposition des bénéfices, TVA, droits d’enregistrement, impôts locaux).
La fiscalité des locations meublées est un sujet d’une redoutable complexité et la source de nombreux contentieux. En une période concentrée de quelques mois, ce domaine fiscal vient de faire l’objet d’une série de remise en cause par la jurisprudence ou le dépôt de propositions de lois.
Ces remises en cause concernent les 4 principaux domaines fiscaux que sont l’imposition des bénéfices, l’application de la TVA, les droits d’enregistrement et les impôts locaux. Ces différents volets pourraient faire l’objet d’évolutions législatives au cours de ces prochains mois. Il apparait donc utile d’examiner ces différents aspects à surveiller de très près en raison des modifications à venir.
1. L’imposition des bénéfices : vers une remise en cause des régimes de détermination des bénéfices
Les tensions suscitées par l’essor des locations meublées de tourisme sur le marché de la location nue de longue durée donnent lieu à une avalanche de critiques des locations saisonnières en considérant notamment que ces locations bénéficient d’un régime fiscal trop avantageux en matière d’impôt sur le revenu.
En avril 2023, une proposition de loi transpartisane suggère de remettre en cause l’application de l’abattement de 71 % dans le cadre du régime du micro-BIC.
Selon cette proposition de loi, en zone tendue, les meublés de tourisme classés bénéficieront d’un régime à 50 % et 30 000 euros. Par ailleurs, les meublés de tourisme non classés passeront à un régime à 30 % et 15 000 euros, par alignement avec le plafond du régime du micro-foncier pour les revenus locatifs (SAVOIR SI UN LOGEMENT EST SITUÉ EN ZONE TENDUE).
L’examen de cette proposition de loi qui devait avoir lieu le 12 juin 2023 a été reporté à la demande du Gouvernement qui, semble-t-il, souhaite garder l’initiative sur le sujet. Il faut certainement s’attendre à une réforme du régime d’imposition des bénéfices des locations meublées de tourisme dans le cadre des lois de finances de la fin de l’année 2023 pour une application en 2024.
2. L’application de la TVA : l’incompatibilité avérée du régime d’exonération avec le droit communautaire
Par un avis du 5/07/2023, le Conseil d’Etat estime que la législation française concernant les modalités d’application de la TVA aux locations de meublés est incompatible avec la directive communautaire 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (Avis CE, 5/07/2023, n° 471877).
Le Haut Conseil estime que l‘article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers.
Il est permis de penser que l’exigence des prestations parahôtelières mentionnées ci-dessus est considéré comme étant trop drastique. L’Etat français est invité de revoir les critères applicables en la matière.
3. Les droits d’enregistrement : l’extension de l’abattement de 75 % pour les transmissions à titre gratuit
La transmission à titre gratuit d’entreprises peut sous certaines conditions bénéficier d’un abattement de 75 % pour le calcul des droits de donation ou de succession (art. 787 B du CGI pour les entreprises sociétaires ; art. 787 C du CGI pour les entreprises individuelles).
Au motif que l’activité de locations meublées serait une activité civile sur le plan juridique, l’administration fiscale soutient depuis 2021 que cet abattement fiscal ne concerne pas les locations meublées (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, § 15).
En dernier lieu, par un arrêt du 21 juin 2023, la Cour de cassation semble infirmer la position administrative en permettant l’application de l’abattement de 75 % (Cass. 21/6/2023, n° 21-18.226). Cette jurisprudence mériterait une confirmation officielle afin d’être assuré du bien-fondé de la mise en ouvre de cette disposition.
4. Les impôts locaux : l’application cumulée de la taxe d’habitation et de la cotisation foncière des entreprises
En matière de fiscalité locale, il était d’usage de considérer que les loueurs de meublés de tourisme était redevable de façon alternative, soit de la cotisation foncière des entreprises, soit de la taxe d’habitation si le logement loué constitue la résidence personnelle du loueur (résidence principale ou résidence secondaire) (BOI-IF-TH-10-20-20, § 50).
Par un arrêt du 15 juin 2023, le Conseil d’Etat considère lorsqu’un logement meublé fait l’objet de locations saisonnières ou de courte durée, le propriétaire du bien est redevable de la taxe d’habitation dès lors qu’au 1er janvier de l’année de l’imposition, il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année (CE, 15/06/2023, n° 468195).