35. Amortissement des bâtiments hors la valeur du terrain

Les loueurs de meublés de tourisme ou de chambres d’hôtes qui font application d’un régime réel d’imposition des bénéfices industriels et commerciaux procèdent à la déduction comptable et fiscale de l’amortissement des biens immobiliers, dès lors que l’entité concernée (entreprise individuelle ou société) est propriétaire de ces biens. La base de calcul de l’amortissement doit toutefois donner lieu à l’exclusion d’une proportion correspondant à la valeur du terrain.

Les textes fiscaux et la jurisprudence tempèrent la possibilité d’amortissement des biens immobiliers en exigeant de réduire la base de calcul de cet amortissement des biens immobiliers de la valeur du terrain qui supporte les constructions. Cette exclusion se justifie au motif qu’en principe les terrains ne se déprécient pas et, de ce fait, ne doivent pas donner lieu à la déduction d’un amortissement. L’éventuelle dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, ne peuvent donner lieu qu’à la constitution de provisions, à l’exclusion de la déduction d’amortissements (art. 38 sexies de l’annexe III au CGI). Cette solution est explicitée par les commentaires administratifs du BOFIP (BOI-BIC-AMT-10-20, n° 230).

Au niveau national, aucun prorata n’est fixé de façon uniforme par les textes en vigueur pour déterminer la part correspondant à la valeur du terrain, en raison de l’extrême diversité de la réalité. Il appartient à chaque contribuable (et à son conseil) de retenir un pourcentage qui selon les pratiques est généralement compris entre 10 % et 30 % de la valeur totale. Cette répartition peut à tout moment faire l’objet d’une remise en cause à l’occasion d’un contrôle fiscal.

Comme le précise l’Association Française des sociétés d’Expertise Immobilière (AFREXIM), la question de la ventilation de la valeur ou du prix d’un immeuble bâti, entre la part respective du terrain et des constructions, est une problématique complexe. Le document établi par cet organisme suggère une méthodologie afin de déterminer une ventilation fiable (http://www.afrexim.fr/recommandations/).

Un jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 janvier 2023 revient sur cette problématique en abordant le sujet délicat de la proportion entre la valeur de l’immeuble bâti et celle du terrain (TA Dijon, 17 janvier 2023, n° 2100821). Dans l’affaire examinée par le tribunal administratif de Dijon, l’administration fiscale proposait de retenir une valorisation moyenne du terrain de 50 % alors que le contribuable avait retenu une proportion de 15 %.

Ce jugement rappelle les principes formulés par la jurisprudence du Conseil d’Etat de 2016 (CE, 15/02/2016, 380400), qui a précisé que lorsque l’administration remet en cause la répartition, au sein du bilan d’un contribuable, entre les valeurs retenues respectivement pour un terrain et pour une construction édifiée sur ce terrain, en invoquant l’insuffisance de la valeur retenue pour le terrain, il lui appartient d’établir l’insuffisance de cette valeur selon l’une des trois méthodes suivantes :

1) Elle doit, pour déterminer la valeur du terrain, se fonder prioritairement sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées sur des terrains nus et à des dates proches de celle de l’entrée du bien au bilan du contribuable. Ces terrains doivent être situés dans la même zone géographique que ce bien et présenter des droits à construire similaires ;

2) A défaut, l’administration peut évaluer la valeur de la construction à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan, en lui appliquant, le cas échéant, les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d’entretien ;

3) Lorsqu’elle ne peut appliquer aucune des deux méthodes précédentes, notamment pour les immeubles les plus anciens, l’administration peut s’appuyer sur des données comptables issues du bilan d’autres contribuables pour déterminer des taux moyens relatifs aux parts respectives du terrain et de la construction et les appliquer ensuite à la valeur globale de l’immeuble en litige à sa date d’entrée au bilan. Elle doit, en ce dernier cas, se fonder sur un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, portant sur des immeubles présentant des caractéristiques comparables s’agissant de la localisation, du type de construction, de l’état d’entretien et des possibilités éventuelles d’agrandissement. Seuls peuvent être retenus des immeubles entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l’entrée au bilan de l’immeuble en litige.

Selon les juges du Haut Conseil, commet une erreur de droit le juge qui valide une évaluation retenue par l’administration sur le fondement de la méthode subsidiaire décrite en 3) sans rechercher si les deux méthodes décrites en 1) et 2) pouvaient être utilisées.

Dans ces conditions, il est loisible au contribuable, soit de démontrer que le choix de la méthode retenue par l’administration ou sa mise en oeuvre sont erronés au regard des principes ainsi définis, soit de justifier l’évaluation qu’il a retenue en se référant à d’autres données que celles qui lui sont opposées par l’administration.

Selon le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 janvier 2023, le contribuable a invoqué le fait que les comparables retenus par l’administration fiscale ne présentaient pas des caractéristiques comparables avec l’immeuble en litige. En l’absence d’éléments contraires apportés par l’administration fiscale, le tribunal administratif de Dijon a jugé que le contribuable avait valablement opéré la ventilation comptable du bien entre terrain et constructions pour déterminer la base de calcul des amortissements.

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