37. Conséquences juridiques, fiscales et sociales de la donation de la nue-propriété de biens immobiliers loués en meublés

Afin d’organiser la transmission à titre gratuit de son patrimoine, toute personne peut de son vivant procéder à la donation de la nue-propriété en se réservant l’usufruit des biens transmis. Cette opération concerne généralement des biens immobiliers ou des parts sociales de sociétés. A ce titre, il est utile d’apprécier les conséquences juridiques, fiscales et sociales de ce type d’opération s’agissant plus particulièrement de la transmission de biens immobiliers qui font l’objet de locations meublées ou de chambres d’hôtes.

La transmission de patrimoine à titre gratuit de son vivant peut être mise en œuvre en procédant à un démembrement de propriété. Selon ce dispositif, la personne initialement détentrice de la pleine propriété transmet la nue-propriété tout en se réservant l’usufruit. La nue-propriété transmise au donataire nu-propriétaire se limite pour l’essentiel à la détention du titre de propriété. Le donateur se réservant l’usufruit dispose de l’usage (usus) ou des revenus (fructus) des biens concernés.

En général, ce démembrement est viager, c’est-à-dire qu’il perdure jusqu’au décès du donateur usufruitier. Après le décès de l’usufruitier, l’usufruit rejoint la nue-propriété. Ainsi, le donataire, détenteur dans un premier temps de la seule nue-propriété, devient dans un second temps pleinement propriétaire.

Ce mécanisme comprend une série d’avantages tant sur le plan juridique que fiscal. Cela étant, il faut apprécier l’ensemble des conséquences fiscales et sociales de ce type d’opérations.

Sur le plan juridique, l’avantage de l’opération est que le donateur des biens démembrés conserve l’usage ou les revenus des biens dont la nue-propriété est transmise (art. 578 et s. du code civil). Ainsi, le donateur peut poursuivre l’activité de locations meublées et conserver les revenus issus de cette activité sans partage avec le nu-propriétaire.

Bien évidemment, il faut mesurer la portée de la donation qui est en principe irrévocable alors même que les relations avec le donataire peuvent éventuellement se distendre, voire se dégrader. Rappelons enfin pour mémoire que ce type d’opérations prend la forme d’un acte notarié en vertu de l’article 931 du code civil.

1. Réduction de la base de calcul des droits de donation

Le premier avantage de ce mécanisme est que, sur le plan fiscal, la base de calcul des droits de donation se limite à la seule valeur de la nue-propriété transmise. La transmission ultérieure de l’usufruit au décès de l’usufruitier s’opère en franchise d’impôt en vertu de la législation fiscale (art. 1133 du CGI ; BOI-ENR-DMTOI-10-10-10, n° 130).

La valeur de la nue-propriété transmise est fonction de l’âge du donateur se réservant l’usufruit. Le principe est que plus le donateur est âgé, moins il disposera de l’usufruit. De ce fait, la nue-propriété transmise a plus de valeur.

L’article 669 du CGI détermine un barème qui fixe les valeurs respectives de l’usufruit et de la nue-propriété tenant compte justement de l’âge du donateur usufruitier (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-50).

2. Traitement fiscal et social des plus-values issues de la transmission

Après avoir apprécié les conséquences fiscales de la transmission à titre gratuit de la nue-propriété en matière de droits de donation, il faut de plus mesurer les incidences en matière d’imposition des bénéfices.

A ce titre, il est fort probable que la valeur des biens transmis lors de la donation soit supérieure à la valeur d’acquisition ou à la valeur nette comptable pour ceux qui font application d’un régime réel des bénéfices commerciaux mis en oeuvre au titre de la location meublée.

Autrement dit, le plus souvent, la mutation opérée conduit à la constatation d’une plus-value éventuellement taxable. Pour cela, il faut distinguer selon que le donateur est loueur de meublé non professionnel (LMNP) ou loueur de meublé professionnel (LMP) selon les critères formulés par l’article 155 (IV) du CGI (BOI-BIC-CHAMP-40-10).

Les loueurs de meublés non professionnels (LMNP) relèvent du régime des plus-values immobilières. À ce titre, seules les plus-values constatées à l’occasion de mutations à titre onéreux sont taxables. Étant en présence d’une mutation à titre gratuit, les plus-values réalisées en tant que LMNP sont exonérées au regard de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales.

Les loueurs de meublés professionnels (LMP) relèvent du régime des plus-values professionnelles. En principe, ces plus-values professionnelles sont taxables même en présence d’une transmission à titre gratuit. Plus précisément, les plus-values à court terme sont soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu et les plus-values à long terme sont taxées à 30 % (12,8 % d’IR et 17,2 % de CSG-CRDS).

Si l’activité de location est exercée depuis au moins 5 ans en tant que LMP et que le montant annuel des loyers est inférieur à 90 000 € (voire 250 000 € en présence de locations avec prestations parahôtelières), la plus-value professionnelle est exonérée d’impôt sur le revenu en application de l’article 151 septies du CGI.

En revanche, la plus-value professionnelle à court terme (qui généralement correspond au montant des amortissements pratiqués) doit être soumise au paiement de cotisations sociales auprès de l’URSSAF, quand bien même cette plus-value est exonérée d’impôt sur le revenu. Autant dire qu’il faut bien mesurer les conséquences fiscales et sociales de la transmission à titre gratuit.

(V. notre dossier sur le traitement fiscal et social des plus-values des loueurs de meublés)

Par ailleurs, les loueurs donateurs de la nue-propriété étant titulaires du seul usufruit après la donation doivent constater une diminution conséquente de la base de calcul de l’amortissement des biens immobiliers pour ceux qui font application d’un régime réel d’imposition des bénéfices commerciaux. Dans ce cas, il peut être judicieux d’envisager la sortie du réel BIC pour procéder à l’application du régime du micro BIC si le montant annuel des recettes le permet.

Rappelons que le Conseil d’État a clairement précisé que l’usufruit viager peut donner lieu à la déduction d’un amortissement pour ceux qui font application d’un régime réel BIC (V. notre article sur le sujet).

3. Conséquences au regard de la TVA

Enfin, il faut apprécier les conséquences de cette opération de donation de la nue-propriété au regard de la TVA si le loueur fait application de cet impôt.

Le loueur initialement pleinement propriétaire a pu exercer la déduction de la TVA sur le bien immobilier s’il remplit les conditions de prestations parahôtelières.

A ce titre, il faut déterminer les conséquences pour le loueur qui n’est désormais titulaire que de l’usufruit.

Sur ce point, les commentaires de l’administration fiscale précisent ainsi : « Lorsque la propriété d’un immeuble donne lieu à un démembrement en raison de la cession à un tiers de l’usufruit ou de la nue-propriété, la nue-propriété doit être regardée comme n’étant pas affectée à une activité économique imposable. Cette situation est exclusive de l’exercice du droit à déduction de la TVA afférente à la valeur de ce droit ».

« Toutefois, lorsque ce droit réel constitue une immobilisation chez son propriétaire de même que l’usufruit pour son bénéficiaire, il y a lieu d’admettre que dans des conditions analogues à celles prévues au 3 du III de l’article 207 de l’annexe II au CGI, le nu-propriétaire puisse transmettre le droit à déduction dont il est privé au bénéfice de l’usufruitier dès lors que ce dernier utilise le bien pour des opérations ouvrant droit à déduction (BOI-TVA-IMM-10-30, n° 190 s) ».

Cette dernière solution suppose que le nu-propriétaire ait la qualité d’assujetti au regard de la TVA ; ce qui est rarement le cas dans les situations qui nous intéressent. Cette hypothèse a pour conséquence que si le loueur a procédé à la déduction de la TVA sur le bien immobilier en location depuis moins de 20 ans avant la donation de la nue-propriété, il doit procéder à une régularisation partielle de la TVA initialement déduite puisqu’il devient titulaire que de l’usufruit du bien immobilier après la transmission à titre gratuit.

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