En principe, les biens immobiliers affectés à une activité de location de meublés de tourisme peuvent donner lieu à la déduction comptable et fiscale d’un amortissement si le loueur relève d’un régime réel. La question se pose de savoir quelle solution mettre en œuvre lorsque les biens sont démembrés avec la répartition entre l’usufruit et la nue-propriété.
Il arrive assez souvent, notamment pour des raisons successorales, que les biens immobiliers fassent l’objet d’un démembrement de propriété, notamment du fait du décès de la personne initialement pleinement propriétaire. Cette situation de démembrement peut aussi être volontaire du fait que la personne pleinement propriétaire procède de son vivant à la donation de la nue-propriété en se réservant l’usufruit du bien démembré jusqu’à son décès. Dans ces différents cas, la propriété est répartie entre un ou plusieurs usufruitiers et un ou plusieurs nus-propriétaires.
La question se pose de savoir si le bien ainsi démembré peut être amorti selon qu’il est mis en valeur par l’usufruitier ou le nu-propriétaire. Bien évidemment, la question ne se pose que pour la partie dont le loueur est titulaire, qu’il s’agisse de l’usufruit ou de la nue-propriété.
S’agissant de l’usufruit, l’administration fiscale, interrogé par un sénateur, a ainsi précisé : « lorsque, à la suite d’une succession, la propriété d’un logement loué meublé est partagée entre un nu-propriétaire et un usufruitier relevant d’un régime réel d’imposition, les loyers sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux entre les mains de l’usufruitier qui ne peut pratiquer aucun amortissement à raison de ce logement dès lors que celui-ci ne fait pas partie de son actif immobilisé » (RM Frassa JO Sénat, 14/12/2017).
Cette solution administrative répétée par nombre de fiscalistes psittacistes de la doctrine administrative est sans fondement légal. En effet, force est de constater que la jurisprudence rendue par plusieurs juridictions administratives affirme l’inverse déboutant régulièrement l’administration fiscale qui en général s’abstient de faire appel des décisions rendues. Par exemple, selon la Cour administrative d’appel de Nancy, l’usufruit viager d’un bien immobilier peut être amorti dès lors qu’il est possible de déterminer le terme de ses effets bénéfiques sur l’exploitation en se référant aux statistiques en matière d’espérance de vie fixées par l’INSEE (CAA Nancy, 22/02/2018, N° 17NC00780).
De même, cette solution a déjà été retenue par les tribunaux administratifs de Paris et de Poitiers selon lesquels le droit d’usufruit est amortissable sur la durée pour laquelle il est consenti (TA Paris 6/7/2009, n° 04-19716 ; TA Poitiers 21/11/1996, n° 95-1701).
En dernier lieu, un arrêt plus récent du Conseil d’Etat en date du 24 avril 2019 infirme la position de l’administration fiscale en précisant la possibilité d’amortir l’usufruit viager d’un bien immobilier qui fait l’objet de locations meublées dès lors que le loueur titulaire de l’usufruit fait application d’un régime réel d’imposition des bénéfices commerciaux (CE. 24/04/2019, n° 419912).
Selon le Haut Conseil, l’article 669 du code général des impôts, relatif à la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière en cas de démembrement de propriété, précise que la valeur de l’usufruit est déterminée, sur le plan fiscal, en fonction de l’âge de l’usufruitier et de son espérance de vie telle qu’elle ressort des tables de mortalité établies par l’institut national de la statistique et des études économiques. Pour le Conseil d’Etat, il est dès lors possible de déterminer la durée prévisible des effets bénéfiques d’un usufruit viager en tenant compte de l’espérance de vie de son titulaire, estimée à partir de ces tables de mortalité.
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