Suite à l’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023 remettant en cause les critères d’application de la TVA aux locations de meublés de tourisme (V. notre article sur le sujet), le Gouvernement a déposé un amendement en date du 15 octobre dernier dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2024 (amendement I-5374).
A la lecture de l’avis du Conseil d’Etat mentionné ci-dessus, il est permis de comprendre que le Haut Conseil remet en cause le dispositif légal actuel en considérant que l’exigence de 3 prestations parahôtelières sur 4 formulée par l’article 261 D du CGI n’était pas conforme à l’article 135 de la directive communautaire qui régit la TVA au niveau européen.
L’avis du Conseil d’Etat précise en ces termes : « il y a lieu de répondre aux questions posées que le b. du 4° de l’article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers ».
Finalement, l’amendement du Gouvernement (amendement I-5374) maintient l’exigence des prestations parahôtelières en ajoutant simplement que les locations ne doivent pas avoir une durée supérieure à 30 jours.
Cette nouvelle formulation laisse perplexe et il est à espérer que les débats parlementaires clarifieront l’intention des rédacteurs.
Amendement n°I-5374 déposé le dimanche 15 octobre 2023
Le chapitre premier du titre II de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 4° de l’article 261 D est ainsi modifié :
a) Le a est abrogé ;
b) Le b est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« b. Aux prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
« – elles sont offertes au client pour une durée n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ;
« – elles comprennent la mise à disposition d’un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; » ;
c) Après le b, il est inséré un b bis ainsi rédigé :
« b bis. Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés b, qui sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; » ;
d) Au c les mots : « a ou b » sont remplacés par les mots : « b ou b bis » ;
2° Le a de l’article 279 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À la fourniture d’un hébergement dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire et répondant aux conditions fixées au b du 4° de l’article 261 D ; » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la location de logements meublés répondant aux conditions fixées au b bis du 4° de l’article 261 D ; » ;
3° Le c du 5° du 1 du I de l’article 297 est abrogé.
Tenant compte de l’avis du Conseil d’État rendu le 5 juillet 2024 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de certaines prestations d’hébergement répondant à des fonctions similaires à celles des établissements hôteliers, le présent amendement propose d’améliorer l’articulation entre le droit national et le droit européen, en en limitant les incidences sur les pratiques actuelles du secteur.
La directive n° 2006/112/CE relative au système commun de la TVA (dite « directive TVA ») prévoit une exonération applicable aux locations de biens immeubles assortie de deux exceptions :
– une taxation de plein droit, visant le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire. Les États membres ont toutefois la possibilité de conditionner la taxation à certains critères généraux qu’ils définissent, sous réserve qu’ils ne servent pas de fondement pour distinguer le secteur hôtelier et les secteurs similaires. Comme l’a rappelé le Conseil d’État, le caractère « similaire » résulte d’une appréciation au cas par cas au regard des conditions de concurrence ;
– une taxation dérogatoire, visant les autres secteurs, pour laquelle les États membres ont toute latitude, sous réserve de respecter le principe de neutralité.
Lorsque la taxation s’applique, la directive TVA permet aux États membres de prévoir un taux réduit dans ces deux situations, mais sur des bases distinctes. Pour le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire, elle est prévue au 12 de son annexe III ; pour les autres secteurs, elle est limitée à la location à usage résidentiel et est prévue au 10 de cette même annexe III.
Le droit national est construit différemment et prévoit, d’une part, une taxation de plein droit pour le secteur hôtelier et, sous conditions, de certaines autres formes d’hébergements touristiques ciblées (a du 4° de l’article 261 D du CGI) et, d’autre part, une taxation pour l’ensemble des autres secteurs, qu’ils aient ou non une fonction similaire au secteur hôtelier (b du 4° de l’article 261 D du CGI).
Cette taxation est conditionnée à la fourniture, en sus de l’hébergement, de certaines prestations connexes, à savoir trois prestations parmi le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle. Il en résulte une différence de traitement entre le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire, ainsi qu’une assimilation non pertinente entre les secteurs ayant une fonction similaire au secteur hôtelier et le secteur résidentiel (résidences étudiantes, séniors, etc…).
Afin de mettre fin à ces incohérences, le présent amendement opère une distinction stricte entre, d’une part, le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et, d’autre part, le secteur résidentiel. À cette fin, il se fonde sur un critère de durée des offres de location proposées aux clients d’au plus trente nuitées renouvelables (ainsi le professionnel devra permettre des locations pour des durées de moins de trente nuitées mais pourra permettre aux clients de réserver sur une durée plus longue), accompagnée de la réalisation de prestations connexes (trois prestations parmi le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle). Cette construction juridique assure ainsi l’égalité de traitement pour l’ensemble des formes d’hébergement touristique, quelle que soit leur qualification (hôtel, auberge, résidence de tourisme, meublés de tourisme etc.). Par ailleurs, elle maintient inchangées les règles existantes pour le secteur résidentiel, qui sera soumis à TVA et bénéficiera du taux réduit si sont offertes des prestations connexes.