Les loueurs de meublés au réel BIC affiliés auprès de l’URSSAF en tant que loueurs de meublés professionnels (LMP) peuvent se retrouver redevables de cotisations sociales conséquentes lors de leur cessation d’activité. Ces cotisations sont calculées sur les plus-values à court terme alors même que celles-ci peuvent être exonérées sur le plan fiscal au regard de l’impôt sur le revenu.
Après la décision du Conseil constitutionnel en date du 8 février 2008 remettant en cause l’obligation de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) afin d’accéder au statut fiscal de loueur de meublé professionnel (LMP) (décision n° 2017-689 QPC du Conseil constitutionnel du 8 février 2018), le législateur a dû revoir sa copie en modifiant l’article 155 du code général des impôts (art. 49 de la loi de finances pour 2020 modifiant l’article 155 (IV) du code général des impôts). A ce jour, la loi fiscale ne comprend plus l’exigence d’être immatriculé au RCS pour devenir ainsi LMP.
Désormais, la qualité de LMP résulte des deux critères suivants avec, d’une part, la perception de loyers d’un montant annuel excédant 23 000 euros et, d’autre part, la réalisation de recettes (c’est-à-dire de loyers) excédant les autres revenus professionnels du foyer fiscal du loueur soumis à l’impôt sur le revenu (traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux et revenus des gérants et associés) (V. les commentaires de l’administration fiscale : BOI-BIC-CHAMP-40-10).
Grace à cette décision du Haut Conseil, le loueur contribuable à l’origine de cette jurisprudence a pu bénéficier du régime d’exonération fiscale des plus-values professionnelles auquel peuvent prétendre certains LMP et éviter la taxation au titre des plus-values immobilières. Il convient de rappeler que les LMP qui ont cette qualité depuis au moins 5 ans et qui réalisent moins de 90 000 € de loyers par an sont exonérés de l’impôt sur le revenu sur les plus-values professionnelles en vertu de l’article 151 septies du CGI ( ou 250 000 € en présence de prestations parahôtelières)
Selon une première approche, il pourrait être considéré que cette jurisprudence et la modification législative qui fait suite constituent une évolution favorable. Cela étant, si l’on procède à une analyse plus fine de ces évolutions, il apparait que certains loueurs devenus LMP sont moins bien traités que sous l’ancien dispositif, notamment sur le plan social.
Pour ce faire, il convient d’examiner successivement :
– les modalités de détermination de l’assiette sociale des personnes au réel BIC (1) ;
– la situation des personnes au micro-BIC ou affiliées au régime général de l’URSSAF (2).
1. Les modalités de détermination de l’assiette sociale des personnes au réel BIC et affiliées à la SSI
Il faut rappeler que depuis le 1er janvier 2017 les loueurs de meublés de tourisme (professionnels ou non au sens fiscal) qui réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles sont en principe redevables de cotisations sociales, notamment auprès du régime de la sécurité sociale des indépendants (RSI devenu SSI géré par l’URSSAF) (art. 18 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017).
Il est à noter incidemment que les loueurs de meublés professionnels (hors tourisme) faisaient l’objet d’un bug législatif temporaire pour déterminer leur affiliation sociale. L’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale qui fonde le principe d’affiliation sociale de ces loueurs renvoyait au 1° du paragraphe IV de l’article 155 du CGI, lequel 1°, qui prévoyait l’immatriculation au RCS qui a été abrogée par la loi de finances pour 2020 puisque invalidée par le Conseil constitutionnel.
Ce bug qui ne concernait pas les loueurs de meublés de tourisme a été corrigé par l’article 22 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 puisque l’article L. 611-1 (6°) du code de la sécurité sociale vise expressément les loueurs de meublés professionnels entendus au sens fiscal (désormais sans immatriculation au RCS) afin de soumettre les intéressés au paiement de cotisations sociales.
Une fois rappelée le principe d’affiliation sociale, il convient plus particulièrement d’examiner l’assiette sociale des non-salariés affiliés à la SSI (sécurité sociale des indépendants) telle que déterminée par l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale. D’une façon générale, les cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants non agricoles (autres que ceux qui sont micro-entrepreneurs) sont assises sur une assiette nette constituée du montant des revenus d’activité indépendante à retenir pour le calcul de l’impôt sur le revenu, diminuée du montant des cotisations.
Plus précisément, les revenus servant de base de calcul des cotisations sociales sont établis avant déduction au titre de l’impôt sur le revenu des exonérations fiscales.
Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2013, la non-déduction sociale des exonérations fiscales a notamment pour effet de soumettre au paiement des cotisations sociales les plus-values professionnelles exonérées en vertu de l’article 151 septies du CGI. Sur ce point, il est à noter l’exclusion de l’assiette sociale des plus-values à long terme. En revanche, subsistent les plus-values les plus importantes que sont les plus-values à court terme.
Il faut en effet rappeler que la qualification de plus-values à court terme concerne, d’une part, les plus-values provenant de la cession d’éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans et, d’autre part, les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l’assiette de l’impôt (art. 39 duodecies du CGI).
Autrement dit, à la fin d’activité de location, en supposant que le bien immobilier n’a pas perdu de valeur, l’ensemble des amortissements qui a été déduit du résultat réel réapparait sous la forme d’une plus-value à court terme, le plus souvent exonérée sur le plan fiscal, mais soumise au paiement de cotisations sociales au taux global de 43 %, s’agissant des LMP au réel BIC et affiliés à la SSI.
Prenons l’exemple simple suivant :
Soit un loueur de meublés de tourisme remplissant les nouvelles conditions pour être considéré comme LMP exonéré sur le plan fiscal des plus-values professionnelles selon les critères précités (avec plus de 5 ans de location en tant que LMP et moins de 90 000 € de loyers annuels). L’intéressé est au réel BIC, de plein droit ou par option, et affilié à la SSI en raison de loyers annuels supérieurs à 23 000 €.
Le loueur détient un immeuble acquis pour 300 000 euros depuis une quinzaine d’années et envisage de cesser son activité de location. Le bien immobilier est inscrit au bilan de la comptabilité réelle mise en œuvre pour déterminer le résultat fiscal. Nous envisageons que dans le cadre de cette comptabilité, il a été procédé à la déduction fiscale de 150 000 € d’amortissements. Supposons toujours que le bien ne s’est ni apprécié, ni déprécié.
A la fin de l’activité de location, le résultat de cessation d’activité fait ressortir une plus-value comptable de 150 000 € qui, selon les prescriptions mentionnées ci-dessus, doit être déclarée auprès du régime social en tant que plus-value à court terme, alors même que cette plus-value est exonérée sur le plan fiscal.
Avec un taux moyen et approximatif de cotisations de 30 % sur le revenu brut (0,43 / 1,43) (tenant compte de la déductibilité et de la dégressivité des cotisations sociales), la fin d’activité conduit à l’application d’un prélèvement social supplémentaire de 45 000 € !!!
Bref, comme mentionné ci-dessus, le montant des amortissements fiscalement et socialement déduits réapparait sous la forme d’une plus-value à court terme soumise à cotisations sociales quand bien même ces plus-values sont fiscalement exonérées.
Cette solution concerne l’ensemble des loueurs de meublés qui fait application d’un régime réel BIC et qui est affilié au régime social des indépendants du fait d’un montant annuel de loyers supérieurs à 23 000 €, qu’il s’agisse de loueurs de meublés de tourisme classés ou non classés ou de meublés hors tourisme, dès lors que les intéressés remplissent les conditions fiscales pour être LMP.
Sur ce point, il faut rappeler que le fait générateur des plus-values professionnelles ne correspond pas nécessairement à la vente des biens immobiliers. Il peut simplement s’agir d’une cessation d’activité sans mutation juridique des biens en question.
2. La situation des LMNP au réel BIC, des LMP-LMNP au micro-BIC et des loueurs affiliés au régime général de l’URSSAF
Assurément, la solution présentée ci-dessus concerne les loueurs de meublés professionnels au sens fiscal qui font application d’un régime réel d’imposition des BIC de plein droit ou par option. Cela étant, il convient d’examiner la situation des LMNP au réel BIC (a), des LMP et LMNP au micro-BIC (b) et des loueurs affiliés au régime général de l’URSSAF (c).
a. Les LMNP au réel BIC
En premier lieu, qu’en est-il des loueurs de meublés de tourisme au réel BIC et redevables de cotisations sociales en raison de loyers annuels supérieurs à 23 000 € mais qui n’ont pas la qualité fiscale de LMP du fait que les loyers perçus ne dépassent par les revenus professionnels du foyer fiscal ?
Dans cette situation, les intéressés ne relèvent pas du régime des plus-values professionnelles mais du régime des plus-values immobilières. A ce titre, la cessation d’activité n’est pas un fait générateur de taxation des plus-values immobilières sur le plan fiscal.
Seule la mutation à titre onéreux des biens relève du régime de taxation des plus-values immobilières avec une taxation totale de 36,2 % assorti d’un un système d’abattement de la base taxable selon la durée de détention des biens.
Quand bien même les plus-values immobilières seraient partiellement ou totalement exonérées en cas de vente des biens, il nous semble que ces plus-values immobilières réalisées par les LMNP ne sont pas soumises à cotisations sociales auprès du régime de la sécurité sociale des indépendants du fait qu’il ne s’agit pas de plus-values professionnelles.
b. Les LMP-LMNP au micro-BIC
De même, il convient de s’interroger sur le sort des loueurs de meublés redevables de cotisations sociales qui font application du régime fiscal du micro-BIC tout en ayant la qualité de LMP, voire celle de LMNP. Dans cette hypothèse, les cotisations sociales sont en principe déterminées selon le dispositif des micro-entrepreneurs en application de l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.
Plus précisément, les intéressés sont redevables de cotisations sociales calculées sur le montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent. Cela étant, les intéressés peuvent éventuellement être taxables sur les plus-values professionnelles s’ils ont moins de 5 ans d’activité.
Sur ce point, certains commentateurs estiment qu’en l’absence de bilan et du fait que les biens immobiliers loués en tant que meublés ne sont pas des immobilisations par nature, le régime des plus-values applicable serait celui des plus-values immobilières et non celui des plus-values professionnelles, quand bien même les intéressés rempliraient les conditions pour être considérées comme LMP. Dans ces conditions, les plus-values n’apparaissent pas soumises à cotisations sociales.
Si cette solution est effectivement confirmée, il peut être judicieux d’envisager de sortir du régime réel pour passer au micro-BIC. Rappelons que la limite du montant annuel de recettes du micro-BIC est désormais de 77 700 € en présence de locations de meublés de tourisme classés. A ce titre, il appartient à chaque loueur d’examiner la solution de dénonciation du réel pour l’application du régime du micro-BIC avec l’application d’un abattement forfaitaire de 50 % et sans la déduction d’amortissements (seuils 2025 depuis l’entrée en vigueur de la loi Le Meur du 19/11/2024).
c. Les loueurs affiliés au régime général de l’URSSAF
Enfin, il convient d’examiner la situation des loueurs de meublés de tourisme ayant plus de 23 000 € de loyers et qui acquittent les cotisations sociales auprès du régime général de l’URSSAF en application de l’article L. 311-1 (35°) du code de la sécurité sociale, en lieu et place du régime de la sécurité sociale des indépendants.
(V. le site internet de l’URSSAF : https://www.urssaf.fr/accueil/services/economie-collaborative.html)
Dans cette hypothèse, les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par ces personnes sont calculées sur une assiette constituée de leurs recettes diminuées d’un abattement de 60 % ou de 87 %.
Pour tout dire, ce dispositif n’a pas été conçu pour soumettre les plus-values à cotisations sociales puisqu’il ne vise formellement que les loyers perçus.
Rappelons que ces modalités particulières de calcul et de paiement des cotisations sociales visent autant les loueurs qui relèvent d’un régime réel des BIC ou d’un régime micro-BIC à la condition que le montant annuel des locations ne dépasse pas le plafond de 77 700 €.