9. Conséquences de la réforme de la TVA pour les meublés de tourisme

Dans la perspective d’une réforme à venir des règles de TVA applicable aux loueurs de meublés de tourisme, il est utile d’examiner les conséquences d’une telle réforme afin d’identifier les loueurs qui pourraient effectivement être concernés par cette modification.

Depuis des décennies, l’activité de location de meublés de tourisme fait l’objet de règles conflictuelles et instables en matière de TVA, pour les loueurs qui souhaitent faire application de cet impôt. Dans ce domaine, le dernier événement résulte de l’avis du Conseil d’Etat en date du 5 juillet 2023 (V. notre article sur le sujet) qui estime que le régime français de TVA applicable aux loueurs de meublés n’est pas compatible avec la législation communautaire. Le Haut Conseil considère que l’exigence de plusieurs prestations parahôtelières n’est pas fondée pour devenir redevable de cet impôt.

Avant de connaître l’issue de cette remise en cause de la loi française, qui à notre avis devrait prendre la forme d’une réforme législative, il nous semble utile de formuler quelques observations pratiques sur les conséquences de cette modification à venir des règles TVA pour les loueurs de meublés de tourisme.

Au préalable, il est utile de rappeler le mécanisme et les enjeux de cet impôt :

– en premier lieu, l’application de la TVA a pour effet que les personnes assujetties et redevables de cet impôt doivent facturer à leurs clients la taxe en question en majorant le prix demandé aux locataires du taux d’imposition correspondant (soit 10 % pour la fourniture de logement dans les établissements d’hébergement selon l’article. 279 du CGI) afin de verser la somme collectée auprès de l’Etat ;

– en second lieu, les personnes assujetties et redevables disposent d’un droit à déduction de la TVA acquittée auprès des fournisseurs. Cette déduction de la TVA facturée par les fournisseurs est réalisée par imputation sur la TVA collectée auprès des clients. Si le montant de la TVA déductible est supérieur à la TVA collectée, l’Etat rembourse aux personnes redevables le surplus de TVA déductible.

D’une façon générale, l’objectif est que le montant de la TVA collectée soit supérieur au montant de la TVA déductible afin de remplir les caisses de l’Etat. S’agissant des loueurs de meublés, le plus souvent, la motivation de l’application de la TVA repose sur l’objectif personnel d’obtenir le remboursement de la TVA facturée par les fournisseurs qui parfois peut correspondre à des montants conséquents, notamment en raison des travaux immobiliers réalisés. Dans ces conditions, l’Etat est plus que réticent à admettre l’application de la TVA pour des personnes qui bénéficient de remboursement de droit à déduction de TVA conséquent et supérieur au montant de la TVA collectée.

Une fois brièvement rappelée le mécanisme de la TVA, il nous semble utile d’esquisser les conséquences d’une réforme en abordant trois volets :

– l’absence de conséquence de la réforme pour la majorité des loueurs (1) ;

– l’application obligatoire de la TVA pour certains loueurs (2) ;

– l’incidence de la TVA sur les régimes d’imposition des bénéfices (3).

1. L’absence de conséquence de la réforme pour la majorité des loueurs ou l’application du régime de franchise en base de TVA

Dès lors que les critères d’application de la TVA seraient assouplis, par exemple en exigeant la fourniture de deux prestations parahôtelières (limitées notamment à l’accueil et à la fourniture de linge de maison), de nombreux loueurs de meublés de tourisme entreraient dans le champ d’application de la TVA.

Est-ce à dire que dans cette hypothèse les loueurs concernés devraient systématiquement facturer la TVA auprès de leurs clients ? Cette conséquence serait pour le coup défavorable si le montant de la TVA déductible est faible en raison du montant réduit des travaux réalisés ou de l’ancienneté de ces travaux.

Toutefois, il convient de préciser que le fait d’être dans le champ d’application de la TVA n’a pas forcément pour effet d’en devenir redevable avec l’obligation de facturer la TVA auprès de ses clients.

En effet, la législation française comprend un dispositif de franchise en base de TVA qui permet une dispense d’application de cet impôt si le chiffre d’affaires annuel n’excède pas un certain montant (art. 293 B et s. du CGI).

Plus précisément, si le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 91 900 € (pour les activités qui nous intéressent), l’activité dans le champ d’application de la TVA bénéficie de plein droit de ce régime de dispense ou de franchise en base de TVA, sauf à exercer une option pour devenir redevable de cet impôt.

Dans ces conditions, si de nombreux loueurs de meublés de tourisme entrent dans le champ d’application de la TVA en raison de la réforme imminente, ils n’en seront pas forcément redevables dès lors que le montant annuel des loyers ne dépasse pas le seuil précité de 91 900 €. Cette situation correspond de fait à la majorité des loueurs de meublés de tourisme dont le montant annuel des loyers n’excède pas la limite précitée de 91 900 €.

2. L’application obligatoire de la TVA pour certains loueurs

En revanche, il convient d’examiner la situation des loueurs dont le montant annuel des loyers est supérieur au seuil de 91 900 €. Si les critères exigés pour devenir redevable de la TVA sont remplis, les personnes concernées devraient dans ces conditions faire application de l’impôt en raison de loyers supérieurs à la limite du régime de franchise en base de TVA.

Rappelons que dans ce domaine, le taux de TVA applicable s’élève au taux intermédiaire de 10 %.

Dès lors que les loueurs concernés sont devenus de plein droit redevables, le prix facturé doit faire l’objet d’une majoration de 10 % pour être versé à l’Etat après déduction par imputation de la TVA acquittée auprès des fournisseurs.

Si les prix pratiqués ne sont pas majorés, il convient d’appliquer le taux de TVA sur le prix hors taxes facturé.

Dans les 2 hypothèses, les loueurs visés sont en quelque sorte perdants puisqu’ils doivent soit majorer le prix facturé aux clients, soit réduire le montant de loyer conservé puisqu’une partie des sommes perçues doit être versée à l’Etat au titre de la TVA. Il est probable que le montant de la TVA déductible imputé sur la TVA collectée sera limité si les travaux ont déjà été réalisés.

3. L’incidence de la TVA sur les régimes d’imposition des bénéfices

D’une façon générale, les loueurs de meublés de tourisme peuvent faire application de deux régimes d’imposition différents comprenant :

– soit le régime du micro-BIC avec l’application d’un abattement forfaitaire de 50 % ou de 71 %,

– soit un régime réel d’imposition des bénéfices avec la tenue d’une comptabilité en partie double.

A priori, le changement des règles de TVA ne devrait avoir que peu de conséquences sur les modalités d’application de ces différents régimes d’imposition des bénéfices.

Désormais, la loi admet que les personnes au micro BIC peuvent être redevables de la TVA, même si dans la majorité des cas les personnes sont non redevables de cet impôt. Il est vrai que dans le passé, l’application de la TVA avait pour effet d’obliger les personnes concernées à devoir faire application d’un régime réel BIC. Cette solution applicable jusqu’en 2017 est désormais révolue.

Par ailleurs, l’application d’un régime réel des BIC peut être mise en œuvre avec l’application de la TVA ou sans application de cet impôt si les personnes concernées réalisent des recettes dont le montant annuel n’excède pas les limites du régime de franchise en base de TVA présenté ci-dessus.

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