Alors que la Cour de cassation (V. votre article), puis le Conseil d’Etat (V. notre article) avaient reconnu la possibilité d’appliquer l’abattement de 75 % pour le calcul des droits de donation ou de succession en cas de transmission à titre gratuit des biens affectés à la location de meublés, le Gouvernement a décidé de remettre en cause cette jurisprudence par un amendement adopté dans la cadre de la loi de finances pour 2024.
L’amendement n°I-5400 du Gouvernement déposé le mardi 17 octobre 2023 dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2024 précise ainsi que n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.
Cette formulation a pour effet d’exclure la transmission à titre gratuit de biens meublés du bénéficie de l’abattement fiscal de 75 %.
Selon le Gouvernement, il s’agit ainsi d’éviter notamment que l’exonération ne bénéficie à des activités patrimoniales consistant en la location de locaux meublés ou d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation.
Amendement n° I-5400 déposé par le Gouvernement le mardi 17 octobre 2023
APRÈS L’ARTICLE 3, insérer l’article suivant:
Sous réserve de son traitement par les services de l’Assemblée nationale et de sa recevabilité
- – Le code général des impôts est ainsi modifié :
- – L’article 787 B est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
- a)Les mots : « ayant une activité » sont remplacés par les mots : « dont l’activité principale est » ;
- b)Après le mot : « commerciale », sont insérés les mots : « ,au sens des articles 34 et 35 » ;
- c)À la fin, les mots : « si les conditions suivantes sont réunies : » sont remplacés par le signe : « . ».
2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’application du premier alinéa, n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. Est néanmoins considérée comme exerçant une activité commerciale la société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. »
« L’exonération s’applique si les conditions suivantes sont réunies : » ;
3° À la première phrase du premier alinéa du a, les mots : « ci-dessus » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa du présent article » ;
- – L’article 787 C est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
- a)Les mots : « ayant une activité » sont remplacés par les mots : « dont l’activité principale est » ;
- b)Après le mot : « commerciale », sont insérés les mots : « , au sens des articles 34 et 35 » ;
- c)Après le mot : « libérale » sont insérés les mots : « , à l’exclusion de toute activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, ».
- – Le I s’applique aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023.
Exposé sommaire
Le présent amendement vise à préciser le champ des activités éligibles à l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) prévue aux articles 787 B et 787 C du code général des impôts (CGI), dite « Dutreil ».
En premier lieu, il apporte une réponse aux interrogations nées de l’absence d’indication légale quant au champ des activités commerciales éligibles, en précisant que ces activités s’entendent de celles définies aux articles 34 et 35 du CGI, à l’exception de toute activité de gestion de son propre patrimoine. Il s’agit ainsi d’éviter notamment que l’exonération ne bénéficie à des activités patrimoniales consistant en la location de locaux meublés ou d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation. En effet, contrairement aux décisions récentes de la Cour de cassation, du 1er juin et du 21 juin 2023 (Cass.com. n° 22-15.152 et n° 21-18.226), qui a retenu une interprétation des activités éligibles au dispositif intégrant des activités de gestion de son propre patrimoine, il n’est pas cohérent, au regard de l’objectif poursuivi par le dispositif Dutreil de pérenniser le tissu économique au moment de la transmission des entreprises par décès ou par donation, d’accorder l’exonération à la simple transmission d’un patrimoine privé mis en société.
En second lieu, l’amendement inscrit dans la loi l’application de l’exonération à la transmission d’entreprises dont l’activité opérationnelle n’est pas exclusive, à condition qu’elle constitue leur activité principale.
Par ailleurs, la loi confirmerait que l’exonération s’applique aux sociétés dites « holding animatrices de leur groupe » qui à titre d’activité principale participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales opérationnelles auxquelles elles rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Cette éligibilité s’opérerait dans les conditions de droit commun définies ci-dessus, au même titre que les autres sociétés dont l’activité principale est opérationnelle.
L’amendement permettrait ainsi de sécuriser juridiquement l’avantage fiscal au regard de l’objectif poursuivi de transmissions des entreprises opérationnelles.
Cette mesure permet de clarifier le champ d’application de l’exonération « Dutreil » dans l’attente d’autres précisions qui pourraient centrer la mesure sur la transmission d’actifs professionnels.